Kirsch et mirabelle titrent haut pour Gérard Lauler
Lorsque Gérard Lauler, agriculteur de la ferme Lindgrube (et
distillateur) s’est soumis au jugement des experts de la Revue des Vins
de France pour ses eaux-de-vie kirsch et mirabelle bios, son unique
ambition était de se faire une idée de ce que sa production valait par
rapport aux autres distilleries. Loin de lui l’idée d’être parmi les
meilleurs de France !
Or le voilà arrivé 3ème pour le kirsch et 4ème ex-aequo pour la
mirabelle parmi les 50 meilleures eaux-de-vie de fruits (sur 300
échantillons goûtés).
« Je suis un très petit par rapport aux grandes distilleries »
constate-t-il, « Je suis très surpris par ce classement. L’eau-de-vie
que j’ai présentée ne provient pas d’une cuvée spéciale, c’est celle que
je vends tous les jours. » Car les premiers classés s’affichent «
eau-de-vie d’exception », « hors d’âge » ou encore « grande réserve ».
Sans compter l’écart de prix !
Alors, pourquoi cette qualité exceptionnelle ? C’est que le terroir
local est reconnu depuis longtemps comme particulièrement adapté à la
cerise. « Les sols sont schisteux, filtrants. La terre n’est pas riche,
mais peu profonde. Le cerisier n’aime pas avoir les pieds dans l’eau »,
explique Gérard.
Indication géographique
Le cahier des charges de l’indication géographique Kirsch d’Alsace
notifie explicitement les variétés pouvant être distillées. « Quelques
cerisiers jamais traités viennent encore de mon grand-père. » Des noms
de variétés, bien connues de nos aïeux, émergent : Kurzstelele (la
meilleure ! Très petite et très sucrée, la dernière à mûrir, elle se
décroche vite et reste saine longtemps, même à terre), Steinböckle,
Tragkirsche, Bordelhanser… « Elles sont anciennes et résistantes. J’en
ai essayé des nouvelles, mais elles tombent malades et comme je suis en
bio, je ne traite pas », précise le lauréat. Curieusement, les cerises
sur le versant Nord sont meilleures. « J’ai mis longtemps à comprendre
», avoue-t-il. Voilà la clé de l’énigme : elles mûrissent à la période
où les jours sont les plus longs. Sur ce versant, elles sont moins
exposées au soleil et peuvent prendre leur temps.
Entre 3 et 7 tonnes de fruits par récolte
Les arbres, une bonne centaine, sont disséminés dans les pâturages, bien
espacés, donc aérés et sans ombre, bénéficiant en plus de la fumure des
vaches. Cueillette manuelle privilégiée (mais de moins en moins
pratiquée) par manque de main d’oeuvre ! Ce qui se comprend aisément
quand Gérard révèle que pour une année normale, il récolte entre 3 et 7
tonnes de ces fruits. Mais cet, hiver, tout comme en 1977, il ne
distillera pas… Les rares cerises finiront dans les yaourts de la ferme.
Un clin d’oeil aux ancêtres (extrait du cahier des charges) : « En 1838,
dans le val de Villé, le kirsch est de consommation habituelle. On le
boit à grands verres, on y trempe même le pain des enfants. C’est un
objet de première nécessité. Nos montagnards ne vivent que de pommes de
terre, de lait caillé et de kirsch. » Le kirsch s’avère donc être le fer
de lance des distillateurs de la vallée.
Des mirabelliers plantés en 1985
« J’ai été encore plus étonné pour la mirabelle que pour le kirsch ! La
mirabelle est une spécialité lorraine », confie Gérard, « elle est fort
demandée, car bien parfumée ». Les premiers arbres ont été plantés vers
1985, les fruits étant destinés aux yaourts. Tout naturellement, le
surplus s’est retrouvé dans l’alambic ! Les mirabelles sont secouées sur
bâches, ramassées et, étape capitale pour une meilleure qualité, triées
à la main. Cette année, aucune mirabelle récoltée !
« La distillation, c’est une tradition qu’on va continuer » assure le fermier.
Et, malicieux, il conclut : « Lors des journées entre collègues, j’avais
bien remarqué que c’était toujours mes bouteilles qui étaient d’abord
vides ».
L.F.
© Dna – Edition de Sélestat – Mardi le 19 Janvier 2016 – Tous droits de reproduction réservés